Somalie : le chaos et la famine
Somalie : le chaos et la famine
La faim concerne la moitié de la population somalienne
Toute la Corne de l’Afrique est concernée par la sécheresse et la faim : au total environ 22 millions de personnes sont menacées : Kenya, Éthiopie et Somalie.
En Somalie, les organisations humanitaires demandent 2,6 milliards de dollars pour venir en aide à environ 7,6 millions de personnes.
Plus de 8 millions de personnes, soit la moitié de la population somalienne, a besoin d’aide rapidement. Ce pays, qui est le plus touché dans la Corne de l’Afrique, vit la plus grave et plus longue période de sécheresse de son histoire, après cinq mauvaises saisons des pluies consécutives.
La prochaine saison des pluies est attendue pour mars-avril.
La sécheresse entraîne des catastrophes : les cultures, qui ont déjà été ravagées par une invasion de criquets en 2021, sont anéanties, le bétail meurt de soif, les enfants n’ont plus de lait. Et ils ne vont plus à l’école.
De plus, le manque d’eau potable et d’hygiène entraîné une augmentation des maladies, notamment le choléra.
En Somalie, plus d’1,4 million de personnes ont fui leur foyer à la recherche de meilleures conditions de vie.
Affrontements au Somaliland
Un peu de contexte : la Somalie est une République fédérale.
Or, le Somaliland est un Etat autoproclamé.
Le Puntland de son côté est un Etat semi-autonome qui a récemment pris ses distances avec le gouvernement central somalien, revendiquant son indépendance.
Un événement a mis le feu aux poudres fin décembre 2022 : un homme d’affaires influent engagé en politique a été assassiné au Somaliland.
Il souhaitait le rattachement du Somaliland à la Somalie, et ses partisans pensent que l’assassinat a été commandité par les autorités du Somaliland.
Se sont ensuivies des manifestations, réprimées.
Depuis, des affrontements armés ont lieu, surtout dans la ville de Laascaanood (ou Las Anod), entre ses partisans et les troupes somalilandaises.
Le point rouge est Laascaanood sur la carte
Le Somaliland était pourtant un Etat assez stable jusqu’à il y a quelques mois.
En août, des manifestations antigouvernementales éclatèrent et des manifestants furent tués ; en octobre, le conseil des sages décida de prolonger le mandat du président après le report des élections, ce qui provoqua un tollé de l’opposition.
Le Puntland est également mêlé au conflit, car il revendique depuis des années la ville de Las Anod (ou Laascaanood), un carrefour commercial et stratégique.
Puntland et Somaliland se sont déjà affrontés pour son contrôle en 2007.
Le week-end dernier, le Somaliland a accusé l’armée du Puntland de l’avoir attaqué.
Depuis le début des combats les affrontements ont fait plus de 100 morts.
Des armes lourdes ont été utilisées, des installations médicales touchées.
Face au nombre de victimes civiles, l’ONU réclame une enquête.
Plus de 100.000 déplacés par les combats
Les conséquences sont habituelles : de nombreux déplacés.
Ce sont plus de 185.000 personnes, surtout des femmes et des enfants, qui ont fui Laascaanood et ses environs depuis début février.
Les familles se sont installées à l’intérieur du Somaliland, au Puntland ou en Ethiopie : plus de 60.000 Somaliens, surtout des femmes et des enfants, ont fui vers la région Somali de l’Éthiopie au cours des dernières semaines.
L’ONU aide ces déplacés.
Mais en Éthiopie les réfugiés arrivent dans des régions très touchées par la sécheresse, vivant déjà une grande pénurie.
Même si les Ethiopiens sont généreux et si l’ONU apporte son aide, en collaboration avec le gouvernement éthiopien, la situation est difficile.
Des victoires contre les islamistes toujours puissants
Autre raison de troubles importants pour les civils, les combats contre les shebabs.
Depuis 2007 ces islamistes somaliens, affiliés à Al-Qaïda, combattent le gouvernement. Ils agissent surtout en Somalie, mais aussi au Kenya voisin, et un peu en Ethiopie.
Le nouveau président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, élu en mai 2022, est résolument engagé dans le combat contre ces miliciens estimés entre 5 000 et 10 000.
Il est aidé par :
– l’armée américaine, revenue en Somalie en mai 2022
– l’Union africaine
– des milices locales, à l’efficacité redoutable
– les Turcs
Si les milices locales sont désormais d’accord pour coopérer avec le gouvernement, c’est parce qu’elles se sentent réellement soutenues contre les shebabs qui réclament leur argent, leurs fils pour le combat et leurs filles pour le mariage.
Par ailleurs, le Kenya et l’Ethiopie sont d’accord pour que des opérations militaires aient lieu à l’intérieur de leurs frontières.
Ces pays voisins soutiennent aussi les efforts de la Somalie pour obtenir la levée de l’embargo sur les armes d’ici à la fin de 2023.
L’armée a repris ces derniers mois le contrôle de de deux États du centre.
Mais les shebabs restent solidement implantés dans de vastes zones rurales du centre et du sud, et mènent toujours des attaques meurtrières en Somalie, y compris dans la capitale. Ils ont environ la moitié du territoire somalien sous leur contrôle.
L’attaque la plus meurtrière depuis le lancement de l’offensive en 2022 eut lieu en octobre, avec 121 morts dans l’explosion de deux voitures piégées au ministère de l’Education à Mogadiscio.
Quant aux Américains, ils mènent régulièrement des frappes aériennes meurtrières contre les shebabs.
Jeudi encore, ils ont annoncé avoir tué 5 combattants shebab lors d’une frappe près de Bacadweyne, dans une région reculée.
Le point rouge sur la carte indique Bacadweyne.
Les attaques américaines ne sont pas que aériennes : le Pentagone a annoncé avoir éliminé le mercredi 25 janvier, grâce à un commando terrestre, un haut cadre de l’organisation État islamique et dix de ses hommes dans le nord de la Somalie.
Frapper la puissance financière des shebabs
Le nouveau président somalien veut aussi attaquer les shebabs au portefeuille.
Ils ont un budget d’environ 100 millions de dollars par an, ce qui leur sert à acheter des armes et équipements pour le combat.
La provenance de cet argent est multiple :
-
taxation et impôt sur les habitants et commerçants dans les zones sous leur contrôle
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activités commerciales au port de Mogadiscio, pourtant officiellement sous le contrôle du gouvernement
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les shebabs profitent de la faiblesse du système de régulation pour transférer leurs fonds
Prochaine étape de la lutte, afin d’obtenir plus de soutien international, le président somalien se rendra au Qatar début mars juste avant une conférence de l’ONU à laquelle participe le pays.