Massacres, enlèvements, trafic d’enfants… le Nigeria en enfer
Massacres, enlèvements, trafic d’enfants… le Nigeria en enfer
Les djihadistes multiplient les tueries dans le nord-est
La situation empire de mois en mois dans le nord-est du Nigéria, où le Lac Tchad, qui marque la frontière avec le Cameroun, le Tchad et le Niger, est le repère de djihadistes.
Dernier massacre en date, celui du 28 novembre, près de la capitale de l’État de Borno, Maiduguri. La mise à mort d’au moins 110 civils alors qu’ils travaillaient dans leurs champs a ému le monde entier.
L’attaque eût lieu le jour d’élections locales dans l’État de Borno.
Si le groupe Etat Islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) est très présent dans la zone, l’attaque a été revendiquée par Boko Haram.
Iswap a prêté allégeance au groupe État islamique et est une branche dissidente de Boko Haram.
Cette tuerie a ému le monde entier. On dénombre aussi de nombreux blessés ainsi que des personnes enlevées, notamment des femmes.
Depuis le début de l’insurrection de Boko Haram en 2009, plus de 36 000 personnes ont été tuées, et plus de deux millions de personnes sont déplacées.
C’est au Nigeria qu’est née l’insurrection de Boko Haram en 2009, avant de se propager dans les pays voisins.
Depuis 2015, les pays de la région luttent contre Boko Haram et ISWAP au sein de la Force multinationale mixte (FMM).
Boko Haram et Iswap multiplient les violences dans le nord-est du Nigéria et contrôlent une partie du territoire nigérian.
Précédemment, en octobre, des djihadistes avaient égorgé 22 agriculteurs qui travaillaient dans des champs.
Les attaques attribuées à Boko Haram et à Iswap ciblent de plus en plus bûcherons, éleveurs et pêcheurs. Ils les accusent d’espionner pour le compte des militaires et milices qui les combattent.
De plus, les cibler accroît les risques de pénurie alimentaire.
Les forces de sécurité sont dépassées et contestées
D’une part, la corruption affecte profondément la vie des Nigérians et la vie du pays dans son ensemble.
D’autre part l’armée au Nigéria a très mauvaise réputation : corruption, exactions, exécutions extra-judiciaires…
Elle est également mal équipée pour lutter contre les djihadistes.
Pourtant, Boko Haram et Iswap comptent seulement quelques milliers de combattants.
Fin novembre, une fois de plus, une embuscade djihadiste emporta plusieurs militaires : 7 soldats et un milicien furent tués par le groupe Iswap.
Le gouverneur de l’État du Borno est régulièrement visé par des attaques. Ce fût encore le cas fin septembre quand 30 membres de son escorte ont été tués.
Les Nigérians n’ont confiance ni dans leur armée ni dans leur police.
Les deux sont accusées, au quotidien, de monter des check-points où ils rackettent la population. Ils sont accusés aussi de criminalité quotidienne, de torture, d’exécutions extrajudiciaires…
D’ailleurs, en juin 2019, près de 2 000 personnes avaient manifesté à Maiduguri (nord-est), épicentre de l’insurrection jihadiste de Boko Haram.
Ils dénonçaient les dérives de certaines milices d’auto-défense.
Les manifestations se sont très mal terminées
L’impunité des forces de l’ordre aboutit en octobre à un vaste mouvement de contestation contre les violences policières. Les manifestants demandaient notamment la fin d’une unité de police accusée de racketter la population, d’arrestations illégales, de torture et même de meurtre.
Démarré dans la capitale, Lagos, il se mua en mouvement contre le pouvoir.
Mais la répression fût implacable et choqua la communauté internationale.
Le plus grand drame fût la tuerie du péage de Lekki, à Lagos : les forces de sécurité tirèrent sur un rassemblement pacifique, faisant au moins 12 morts.
Suite aux manifestations contre les violences policières, le chaos s’installa pendant 3 semaines : pillages, destructions, violences, instauration de couvre-feux. Selon Amnesty International, la répression et les violences ont tué au moins 56 personnes dans tout le pays.
Finalement les forces de sécurité ont repris le contrôle.
Pourtant les manifestants étaient soutenus par de nombreuses célébrités très présentes sur les réseaux sociaux.
La mobilisation sur Twitter et les habituelles fausses informations propagées en pareilles circonstances amenèrent le pouvoir à une vive critique des réseaux sociaux.
Et plusieurs jeunes ayant participé aux manifestations furent arrêtés, leurs comptes en banque gelés.
La réaction du président nigérian, Muhammadu Buhari, déçoit énormément.
Il apparaît buté et insensible. De plus, il aimerait contrôler les réseaux sociaux.
Les bandes armées sèment la terreur
Derniers enlèvements notoires, celui d’un prêtre catholique à Abuja, la capitale du pays, et celui de 3 marins grecs par des pirates.
Les enlèvements dans le golfe de Guinée sont fréquents.
Les groupes criminels, comprenant parfois des centaines de membres, profitent de l’absence de forces de sécurité dans de nombreuses zones.
Ils enlèvent des gens contre rançon, volent du bétail, pillent et détruisent des villages…
Les enlèvements sont fréquents dans le sud-est pétrolier et se sont multipliés depuis quelques années dans le nord et le centre du Nigéria. Mi-novembre, après une série noire de meurtres et d’enlèvements, l’armée a déclaré avoir bombardé un camp de “bandits” dans le nord et avoir tué plusieurs d’entre eux.
La pauvreté est forte
Le Nigeria a beau être la première économie d’Afrique et le premier producteur de pétrole africain, il entre en récession.
Les causes sont multiples : restrictions liées à la pandémie, chute des prix du pétrole, mais aussi une corruption endémique, et une très forte évasion fiscale.
Ses 200 millions d’habitants, en forte croissance, risquent de basculer encore davantage dans la pauvreté.
Le chômage et l’inflation sont forts, et l’économie informelle très répandue.
La plus grande crise humanitaire au Nigeria concerne le nord-est infesté par les djihadistes.
Elle s’est encore aggravée ces derniers mois en raison de mauvaises récoltes.
La pauvreté pousse de nombreux parents à confier leurs enfants à des écoles coraniques
Au Nigeria, 9 millions d’enfants et d’adolescents seraient enrôlés dans ce type d’écoles islamiques privées, appelées « écoles Almajiri ». Elles sont très répandues dans le nord, surtout musulman, où la pauvreté est très élevée et où les services publics sont souvent absents.
Il s’agit souvent de la seule alternative pour la scolarisation des enfants les plus pauvres. Pour certains parents, c’est aussi une manière de placer un enfant difficile, délinquant ou sous addiction à la drogue…
La consommation de drogues est élevée.
Les dérives sont nombreuses et ces institutions se transforment parfois en véritables « maisons de l’horreur » (tortures, viols…) Consciente du problème, la présidence nigériane a fait part, en juin 2019, de sa volonté de réformer le système Almajiri.
La police a mené en 2019 plusieurs raids dans ce type d’école afin de libérer les jeunes.
Mais rien de neuf en 2020 : pas de nouvelles libérations connues, et ni réforme ni suppression du système.
Maltraitance et trafics d’enfants
Malgré une augmentation significative de l’enregistrement des naissances, 17 millions d’enfants nigérians de moins de 5 ans restent « invisibles » : 1 enfant sur 5 n’est toujours pas enregistré.
Or, sans preuve d’identité, les enfants sont souvent exclus de l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres services vitaux, et sont vulnérables à l’exploitation et aux abus.
D’autre part, comme d’autres trafics, le trafic d’enfants existe dans le pays.
Des emplois sont promis à des filles ou fillettes, mais elles se retrouvent enfermées et violées pour mettre au monde des bébés qui seront ensuite vendus.
Ces lieux se nomment des usines à bébés.
Sources: AFP, ONU, Reuters, RFI
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C’est vraiment triste ce qui se passe là-bas