Soudan : la junte alliée à la Russie l’emporte tandis que la faim assaille le pays

Après la révolution de 2019 ayant chassé la dictature d’Omar el-Béchir, le Soudan s’acheminait vers une transition démocratique quand un coup d’Etat y mit subitement fin en octobre 2021 : les militaires chassent alors les civils du gouvernement de transition.

Mais depuis décembre 2022 des progrès se font jour en vue d’un pouvoir détenu par les civils et non par les militaires, grâce à un accord politique signé entre les principaux groupes pro-démocratiques et l’armée.

Néanmoins, malgré la bonne volonté affichée, la situation stagne et le Soudan s’enfonce dans une grave crise. Le retour des civils au gouvernement est pourtant indispensable, car c’est une condition pour que la communauté internationale verse à nouveau 2 milliards de dollars chaque année.

Ce manque d’argent a des conséquences dramatiques sur la population.

A noter que le Soudan est également suspendu, tout comme le Burkina Faso, le Mali et la Guinée, de l’Union africaine, car l’UA se dit résolument opposée aux coups d’Etat.

De nombreux enfants morts de faim

Au Soudan, l’un des pays les plus pauvres au monde, 15 des 45 millions d’habitants souffrent actuellement de malnutrition. C’est particulièrement difficile pour les enfants, dont des dizaines sont récemment morts de faim.

Et c’est encore pire au Darfour-Sud, frontalier du Tchad : dans le camp de Kalma, abritant 120.000 déplacés de la guerre d’Omar el-Béchir, la faim, qui a toujours existé, a augmenté en 2022.

De plus, en raison de besoins humanitaires croissants à l’échelle mondiale, l’ONU a dû diminuer son aide alimentaire aux déplacés du Soudan.

Les Soudanais subissent aussi une récession, des conflits récurrents entre ethnies pour l’appropriation des terres, et une violence généralisée.

Depuis la révolution, une drogue anéantit la jeunesse

Les violences au Soudan ont fait environ 1.000 morts en 2022 selon l’ONU.

La compétition pour les ressources s’explique aussi car le pouvoir d’achat a drastiquement diminué ces six derniers mois.

La rue pourrait à nouveau manifester massivement car étudiants et professeurs dénoncent d’importantes augmentations de prix.

Mais… c’est loin d’être une certitude car la jeunesse soudanaise est ravagée par une drogue de synthèse, la méthamphétamine.

Apparue au Soudan après la révolution, elle est très addictive, entraîne d’immenses problèmes de santé et une hausse de la criminalité. Et comme par hasard, la junte ne prend pas de mesures fortes pour enrayer cette dépendance chez une jeunesse qui fut le fer de lance de manifestations fortement réprimées.

Dissensions au sommet de l’État

Les deux dirigeants du pays sont l’auteur principal du coup d’État, le Général Al Burhan auquel surtout est ralliée l’armée et le Général Mohamed Hamdan Dagalo, appelé Hemetti, leader d’une puissante milice vue comme une concurrente de l’armée.

Ce dernier dit regretter le putsch, vouloir donner le pouvoir aux civils, et s’opposer au retour de figures de l’ancien régime, celui d’Omar el-Béchir.

Mais ces déclarations semblent destinées à rassurer l’Occident, car en réalité les tensions sont fortes entre civils et militaires.

Si les discussions se poursuivent entre la junte et les partis politiques sur la mise en œuvre de l’accord-cadre en vue de la formation d’un gouvernement civil, le processus traîne en longueur.

La rue conteste cet accord, auquel il manque des signataires importants (des chefs de mouvements rebelles au Darfour), et des sujets importants ne sont pas abordés.

D’autre part, la situation économique s’aggrave dans le pays.

Les rebelles du Darfour sont toujours actifs

Cette région sécessionniste abrite toujours ses mouvements rebelles, qui violent allègrement l’embargo sur les armes, et se financent sans difficulté.

Voici les plus importants :

• La rébellion d’Abdelwahid al-Nur : la plus notable. Située dans l’Ouest, autour du Jebel Marra. Elle exploite une mine d’or, dont l’or est vendu via le Soudan du Sud, et enrôle toujours de nouveaux combattants, opère comme « mercenaire » en Libye, avec 300 pick-ups, et a d’importantes activités agricoles et commerciales au Soudan du Sud.
• La rébellion de Mini Minawi : Nord-Darfour. Elle est aussi active en Libye, avec environ 100 pick-ups.

L’inquiétante force paramilitaire des Forces de soutien rapide

Cette force a été créée en 2013 par « Hemetti », l’actuel numéro deux de la junte soudanaise, qui a lancé en juillet dernier une campagne de recrutement agressive.

De nombreux jeunes s’enrôlent afin d’être en mesure de protéger leurs communautés respectives.

Les Forces de soutien rapide ont été accusées, sous la direction d’Hemetti, d’atrocités au Darfour durant la guerre civile, et de multiples exactions dans le pays.

Maintenant elles se partagent le pouvoir avec l’armée.

Leurs revenus viennent surtout du commerce de l’or.

La Russie est bien implantée

La Russie est notamment présente au Soudan par l’intermédiaire du groupe paramilitaire russe Wagner, qui soutient des présidents ou juntes dans plusieurs pays africains.

Wagner est en étroite collaboration avec Hemetti, le patron des Forces de soutien rapide.

Ces deux puissances sont actives dans des mines d’or soudanaises.

Si le Soudan dément la présence de Wagner, on connaît depuis longtemps sa proximité avec la Russie.

Cette configuration inquiète l’Occident, surtout les Etats-Unis, qui n’arrivent pas à déloger Wagner d’Afrique.

De nombreux Occidentaux viennent de faire une tournée infructueuse au Soudan, juste avant que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, n’y termine sa tournée africaine.

Il s’agit de la deuxième tournée de ce ministre en six mois.

Moscou prépare le deuxième sommet Russie-Afrique prévu fin juillet à Saint-Pétersbourg en renforçant ses liens avec nombre de pays africains.

Le Soudan présente un grand intérêt car il a des sites miniers, surtout de l’or, et un emplacement stratégique sur la Mer rouge.

D’ailleurs la Russie progresse dans son projet d’établir une base navale sur la côte de la mer Rouge, précisément à Port-Soudan.

La junte vient d’approuver un accord dans ce sens, en échange de quoi la Russie fournira armes et matériel militaire au Soudan.

Cette base militaire permanente pour la Russie lui permettra d’étendre encore davantage son influence en Afrique, qui progresse inexorablement.

Le point rouge sur la carte est Port-Soudan

Le Soudan et ses voisins : aucune ombre à l’horizon

La junte ne craint pas d’être déstabilisée par des éléments extérieurs au pays, car il est  en bons termes avec ses voisins :

• Avec la Centrafrique, la frontière est fermée à l’initiative du Soudan redoutant des mouvements insurrectionnels et souhaitant conserver une bonne relation avec Bangui

• Soudan et Soudan du Sud ont décidé en janvier et former une unité militaire afin de sécuriser leur frontière commune

• En raison de récents affrontements intercommunautaires, Soudan et Tchad décident de renforcer la sécurité à leur frontière commune

• Au sujet du barrage de la Renaissance construit par l’Ethiopie, après des tensions anciennes, le Soudan se dit désormais en accord «sur tous les points» avec l’Éthiopie. Et à propos de la riche zone agricole du triangle de Fashaga, zone frontalière conflictuelle entre les deux pays, le Soudan se dit à la recherche d’une conciliation.

Signature : www.Infosplanetaires.com