Thaïlande : des milliers de manifestants à l’assaut du trésor royal
Thaïlande : des milliers de manifestants à l’assaut du trésor royal
Les manifestations se poursuivent
Depuis l’été, des dizaines de milliers de personnes manifestent presque tous les jours en Thaïlande.
Ce sont surtout de jeunes citadins.
Leurs revendications sont plurielles :
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Le départ du chef du gouvernement, qui fût légitimé par des élections controversées en 2019
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Une réécriture de la Constitution jugée trop favorable à l’armée (en Thaïlande les militaires sont très liés à la monarchie)
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Une réforme de la monarchie, sujet sacré en Thaïlande
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Une véritable lutte contre la crise économique majorée comme partout par les restrictions liées à la pandémie
En Thaïlande la monarchie est puissante et sacrée. Il est en temps normal impensable de la critiquer, et les peines prévues par la loi sont lourdes dans ce cas.
Or, les manifestants se radicalisent.
Le trésor du roi
Le roi, soutenu par l’armée, est extrêmement puissant en Thaïlande.
Rama X s’est accaparé 50 milliards d’euros en 2018 : en administrant BTP, banque, chimie, assurances, immobilier, il administre 30 à 60 milliards de dollars d’actifs, ce qui fait de la monarchie thaïlandaise l’une des plus riches du monde.
Mercredi, plusieurs milliers de manifestants ont demandé au roi d’abandonner son contrôle sur la fortune royale.
C’est en effet le Crown property bureau (CPB) qui gère la fortune royale.
Les manifestants voudraient qu’elle passe sous le contrôle du ministère des Finances, surtout pour soutenir des politiques sociales.
Car la Thaïlande est frappée de plein fouet par la crise économique liée à la pandémie.
Rama X est par ailleurs devenu le premier actionnaire de la Siam Commercial Bank (SCB), première banque du pays.
Le roi a encore renforcé son autorité en 2019 lorsqu’il a placé sous son contrôle direct 2 unités de l’armée.
Cela alors qu’ils ont été impliqués dans la répression de la population par le passé et ont joué des rôles importants dans les coups d’État.
Au nom de la protection du roi, l’armée a organisé plus d’une dizaine de coups d’État depuis la fin de la monarchie absolue en 1932.
La répression est surtout judiciaire
Si les forces de l’ordre usent notamment de gaz lacrymogènes et de canons à eau contre les manifestants, le pouvoir emprunte surtout la voie judiciaire pour mater la révolte.
Ainsi, de mi-juillet à fin novembre, au moins 174 personnes ont été inculpées, dont au moins 46 pour “sédition”. La sédition est passible de sept ans de prison.
Par ailleurs, 12 dirigeants clés du mouvement pro-démocratie sont poursuivis pour “lèse-majesté” et risquent de trois à quinze ans de prison.
Le canard jaune, symbole des manifestants
Il se décline maintenant en de nombreux objets : le canard jaune est devenu en peu de temps le symbole des manifestants.
L’idée au départ était d’utiliser de grandes bouées en forme de canards pour traverser le fleuve et s’approcher du Parlement thaïlandais.
Puis les manifestants s’en servirent come bouclier contre les canons à eau.
Certains s’inspirent des méthodes « fluides » hong-kongaise des manifestations, alors qu’à Bangkok, une bonne partie de la population est d’origine chinoise
Malgré les manifestations, la justice maintient le Premier ministre au pouvoir
Le Premier ministre, le général Prayut Chan-O-Cha, peut rester à son poste.
Il était accusé d’avoir continué à habiter illégalement une maison appartenant à l’armée après avoir quitté son poste de chef de l’armée à la suite du coup d’Etat de 2014 qui l’a ensuite fait devenir Premier ministre.
Mais la Cour constitutionnelle a décidé mercredi qu’il n’est pas coupable de conflit d’intérêt et pouvait donc rester au pouvoir.
Les manifestants sont furieux et accusent la Cour constitutionnelle de partialité.
Elle était déjà discréditée en février lorsqu’elle décida de dissoudre, pour violation du code électoral, l’un des principaux partis d’opposition, Future Forward. Son leader et plusieurs de ses dirigeants ont également été bannis de la politique pour 10 ans.
Vers une guerre civile ?
Les manifestants peuvent avoir à affronter des adversaires redoutables : les groupes de droite ultra-royalistes, fanatiques du roi.
Pour le moment, le roi essaie de se montrer « gentil », multipliant les messages d’amour aux Thaïlandais.
Cela alors que ses fréquents séjours en Allemagne montrent plutôt son désintérêt pour le sort de son peuple confronté à la crise économique due notamment à la disparition des touristes en raison des restrictions liées à la pandémie.
Des groupes de fanatiques harcèlent régulièrement les manifestants, qui essaient de les éviter.
Et les manifestants durcissent leurs discours contre la monarchie.
La grande fortune du roi attise les tensions alors que des millions de personnes se retrouvent sans emploi, et que la récession s’installe.
Des célébrités soutiennent les manifestants, notamment sur les réseaux sociaux, ce qui est rare, vu que les stars dépendent des milliardaires à la tête du pays.
Sources: AFP, ONU, RFI