La Colombie impuissante face à une multitude de gangs armés

La Colombie impuissante face à une multitude de gangs armés

La Colombie, championne mondiale de production de cocaïne, subit les assauts d’une myriade de gangs armés.

La violence fait toujours rage malgré les accords de paix signés en 2016 entre le gouvernement et les FARC, qui étaient alors la principale guérilla.

 

Le nouveau président, Gustavo Petro, qui a pris ses fonctions en août 2022 comme premier président de gauche, veut faire une paix totale avec tous les mouvements armés, mais il est perçu comme un naïf par ses détracteurs.

 

On a aujourd’hui en Colombie environ 90 groupes politiques et/ou criminels, qui comptent au total 10.000 hommes armés.

Ils seraient impliqués en 2022 dans une centaine de massacres.

Ils ont entraîné entre 2021 et 2022 une augmentation de 12 % des déplacés.

 

Il y a maintenant environ 5,2 millions de de déplacés internes en Colombie.

La Colombie vit une véritable guerre interne depuis plus de 50 ans, et cela ne semble pas prêt de cesser.

 

Guérillas, cartels de drogues, groupes paramilitaires et autres organisations criminelles mènent de violents affrontements pour le contrôle du territoire et du trafic de cocaïne.

Cette drogue est exportée vers l’Amérique du Nord et vers l’Europe.

 

Actuellement, un tsunami de cocaïne déferle sur l’Europe, et le trafic en provenance de la route de l’Atlantique est en augmentation.

La drogue arrive par cargo en quantités massives dans les ports d’Espagne, Belgique ou Pays-Bas.

 

 

Des dizaines de groupes armés opèrent en Colombie

C’est une vraie gangrène. Ils opèrent souvent dans le narcotrafic. Mais il ne faut pas oublier également les trafics de minerais, notamment l’or.

Si des gangs naissent, fusionnent, disparaissent suite à des combats, il faut néanmoins présenter les plus « célèbres » de ces organisations criminelles.

 

  • ELN (Armée de libération nationale) : elle compte 2 000 à 4 000 hommes en Colombie et au Venezuela voisin. Spécialisée dans les routes de trafic de drogue et les mines d’or illégales. C’est la dernière guérilla encore active en Colombie.

 

  • Clan del Golfo : le plus puissant cartel du pays. 1.500 à 2.000 hommes.

 

  • Dissidents des Farc : ils n’ont pas adhéré aux accords de paix de 2016 et sont environ une vingtaine de groupes.

 

  • Des groupes paramilitaires

 

  • De nombreux narcotrafiquants

 

  • les « narcotrafiquants invisibles » : ce sont les cartels mexicains, les nouveaux rois du narcotrafic. Ils supplantent les Colombiens en finançant la fabrication de la cocaïne et en supervisant l’envoi des cargaisons depuis la Colombie. Ils ne sont pas impliqués dans les combats territoriaux pour le business du narcotrafic.

 

 

Comment le président Pétro pense-t-il arriver à la paix ?

Gustavo Petro a promis la paix totale avec tous les groupes armés sans distinction.

Cela concerne également les narcotrafiquants qui accepteront de se livrer à la justice en échange d’avantages juridiques.

 

L’idée est que les narcos donnent des informations majeures, en échange de quoi ils seraient ensuite condamnés à 6-8 ans de prison ; ils bénéficieraient ensuite d’un programme de réinsertion qui durerait quatre ans. Ils pourraient garder 6% de leurs biens, le reste devant ainsi servir à indemniser leurs victimes.

 

Mais comment empêcher d’autres narcotrafiquants de prendre la place de ceux qui se rendraient à la justice ?

C’est exactement ce qu’il s’était passé suite à l’accord de paix avec les FARC en 2016 : le vide fut rapidement comblé par une multitude de groupes armés.

 

Et la violence redouble depuis : les affrontements entre organisations criminelles n’ont jamais été aussi nombreux que depuis la signature de l’accord de paix.

Les personnes se rendant à la justice craignent aussi des représailles, vu ce qu’il s’est passé avec les FARC.

 

 

L’annonce du plan de paix provoque un réarmement

Le gouvernement colombien ne maîtrise pas son territoire, et n’a pas su  protéger les anciens combattants : ainsi, des centaines d’anciens guérilleros des FARC suite à 2016, dont certains par leurs anciens camarades.

Cette crainte de vengeances explique en partie le réarmement en cours.

 

Suite à l’annonce de son plan de paix, le président colombien a proclamé, le 31 décembre, un cessez-le-feu bilatéral avec le Clan del Golfo, l’ELN, les dissidents des FARC, et des groupes paramilitaires.

 

Mais comme souvent lors de cessez-le-feu, des groupes armés en ont profité pour renforcer leur présence.

C’est le cas par exemple dans le département d’Antioquia, situé au nord-ouest du pays, où un groupe dissident des FARC renforce sa présence, plus précisément à Yarumal.

 

 

 

Le point rouge est Yarumal

 

 

 

Intrusion dans une école, patrouilles plus présentes, conquêtes de territoires, homicides, mines antipersonnel…

La région sert de corridor au trafic de drogue, et est riche en gisements d’or, d’argent, de talc, d’amiante, de bauxite, de calcaire et de marbre.

 

 

Le plan de paix est déjà en péril

Le président Petro a annoncé mi-mars la rupture des négociations de paix avec le Clan del Golfo, suite à des incidents très graves.

Il l’accuse d’encourager les attaques de mineurs illégaux d’or dans le nord-ouest, et a annoncé la “réactivation” des opérations militaires contre le cartel.

 

Ces mineurs protestent depuis début mars contre la destruction par l’armée des engins de dragage servant à extraire l’or des rivières. Petro accuse aussi le Clan del Golfo d’avoir profité du cessez-le-feu pour renforcer sa présence dans les mines illégales.

 

Au sujet de l’ELN, les médias colombiens s’interrogent sur l’avenir du plan de paix. Cette importante guérilla est accusée par l’armée d’avoir tué dans un attentat 9 soldats fin mars.

De plus, 7 d’entre eux n’effectuaient que leur service militaire.

 

Ils ont été tués sur une base militaire près de la frontière avec le Venezuela, une zone où opèrent plusieurs groupes armés, région connue pour être l’une des plus touchées par la violence.

 

L’unité militaire sécurisait le plus important oléoduc du pays, de la compagnie pétrolière nationale Ecopetrol, dont les installations ont été fréquemment attaquées par l’ELN dans le passé.

 

Cet attentat était une réponse aux 9 membres présumés de l’ELN tués fin janvier dans une offensive de l’armée colombienne.

La guerre est donc ouvertement déclarée entre l’armée et l’ELN.

 

Deux échecs donc au sujet du plan de paix.

Cependant, le président a annoncé mi-mars une négociation avec l’un des plus grands groupes de dissidents des FARC, les dissidents de l’État-major central (Estado Mayor Central).

 

Mais les groupes dissidents des FARC sont une vingtaine et inclassables.

Gustavo Petro se demande s’il faut les traiter comme des organisations criminelles ou bien s’il faut négocier. Pour le moment, on prend le chemin de la négociation, avec des concessions judiciaires, car des mandats d’arrêt sont levés.

 

 

Les chercheurs d’or illégaux sont accusés de financer les groupes armés

Nous avons vu ci-dessus que le Clan del Golfo est accusé d’encourager les attaques de mineurs illégaux d’or, lesquels protestent depuis début mars contre la destruction par l’armée des engins servant à extraire l’or des rivières.

 

Voici ce qu’il se passe.

En Colombie comme au Brésil ou dans des pays africains, les orpailleurs (chercheurs d’or illégaux) sont la cause de destruction des forêts et de pollution des cours d’eau.

 

Leurs immenses machines détruisent l’environnement ; d’autre part le mercure, utilisé pour séparer l’or du sable, pollue rivières et fleuves, et intoxique les habitants.

En 2021, l’exploitation minière illégale a dévasté plus de 640 km2 en Colombie.

 

Dans le nord-ouest de la Colombie, le Bajo Cauca connait une nouvelle fièvre de l’or : une foule de personnes sans revenus tente sa chance, disposant de matériel plus ou moins imposant.

 

L’or a même supplanté la culture de la coca, et est presque aussi rentable que la drogue en raison de la difficulté de remonter à son origine : des bijoux en or passent aisément le contrôle de la douane. L’or est surtout destiné à l’Amérique du Nord et à l’Europe.

 

La seule entreprise légale d’extraction d’or est ici la multinationale Mineros Aluvial, unique acteur agréé par l’Etat sur cette zone.

Mais 85% de l’or exporté par la Colombie est extrait illégalement.

 

L’exploitation minière illicite et le trafic de cocaïne sont les principales sources de financement des organisations criminelles en Colombie.

Il faut noter que les orpailleurs font aussi vivre les communautés locales, en boostant leur économie : ils leur achètent notamment nourriture et carburant.

 

Dans le Bajo Cauca, les orpailleurs sont soupçonnés de financer le Clan del Golfo, qui est très bien implanté dans la région. Mais les chercheurs d’or nient.

Hormis ce cartel, 2 groupes de l’ELN et 4 de la dissidence des FARC y sont également actifs.

 

 

Combattre les orpailleurs pour qu’ils cessent de financer les groupes armés

L’armée détruit régulièrement les engins servant à l’extraction d’or, ce qui fait protester les communautés locales, investies également dans l’orpaillage.

Mais la lutte est sans fin : tandis que les dragues imposantes sont rapidement réparées, les chercheurs d’or affluent sans cesse.

 

Début mars, ils ont démarré dans le Bajo Cauca une grève générale, afin de protester contre les destructions de leurs machines.

Cette grève est marquée par de nombreux actes de vandalisme.

 

Le gouvernement accuse le Clan del Golfo de la soutenir : mi-mars, une douzaine de leurs membres présumés ont incendié sur la Nationale 25, près de la ville de Taraza, deux bus et quatre camions.

 

 

 

 

Le point rouge est Taraza

 

 

 

Depuis, seuls des convois encadrés et protégés par les forces de sécurité circulent. Environ 10.000 militaires et policiers sont déployés dans la région.

Malgré cela, la Nationale 25, qui relie la côte caribéenne à Medellin, deuxième ville du pays, reste sous la domination du Clan del Golfo.

 

Cette route tient toute l’économie du pays en garantissant habituellement une grande partie de l’approvisionnement depuis le nord de la Colombie.

Mais depuis toujours, elle suscite la convoitise des groupes armés, car c’est aussi un axe majeur pour l’exportation de la drogue à partir des ports du Pacifique.

 

Pendant des années, ils y ont incendié des véhicules pour montrer leur présence.

Hormis le nord-ouest de la Colombie, l’armée s’attaque aussi aux machines des orpailleurs dans le sud-ouest, à la frontière avec l’Equateur.

 

Toujours dans le but d’étouffer les finances des groupes armés (ELN et dissidents des FARC dans cette région).

Ici aussi l’environnement est ravagé par les engins des chercheurs d’or, et les cours d’eau pollués par le mercure, ce qui porte préjudice aux habitants.

 

 

Se soumettre ou se faire tuer

Les groupes armés harcèlent les civils et tuent les défenseurs de l’environnement.

 

  • L’ELN harcèle les civils dans les départements de Cauca, Arauca, Chocó et Nariño
  • Des zones rurales de Colombie sont sous l’emprise de gangs de trafiquants de drogue et de groupes rebelles

 

Les civils souffrent de racket, se font taxer ou doivent payer pour éviter de se faire tuer ; leurs déplacements sont contrôlés, les critiques des groupes armés dominants sur chaque territoire interdites.

 

La menace puis éventuellement la mort, avec ou sans kidnapping préalable, sont les sanctions de ceux enfreignant les tacites règlements.

Depuis le lancement par Petro de sa politique de paix totale, rien par exemple n’a changé pour les villages du département Chocó, dans l’ouest.

 

 

 

La zone entourée de pointillés rouge : le département du Chocó

 

Dans la communauté de Buenavista, les habitants subissent toujours les gangs, lesquels contrôlent les différents territoires : 5 groupes se disputent la zone, notamment l’ELN et le Clan du Golfe. Alors que les groupes se battent pour s’emparer des territoires, la population victime du conflit manque de tout, notamment d’un accès aux soins.

 

Un bateau-hôpital de Médecins du Monde, financé par l’Union européenne, effectue des rotations régulières sur le fleuve San Juan pour venir en aide à la population, mais sous la surveillance des groupes armés.

 

C’est la seule façon pour les habitants d’avoir accès à des soins, car les groupes armés les empêchent de se déplacer normalement.

Le fleuve San Juan est l’une des routes d’exportation de la drogue vers l’Amérique centrale et les États-Unis.

 

Ici comme ailleurs il est contaminé au mercure.

La population est aussi intoxiquée par les produits chimiques utilisés pour transformer la coca.

 

 

Les écologistes tués en grand nombre

Evidemment, les défenseurs de l’environnement ne sont pas tolérés par les gangs armés spécialisés dans le trafic de cocaïne ou dans l’extraction d’or.

Ces « leaders sociaux » se font tuer en grand nombre en Colombie : rien que depuis le début 2023, 15 d’entre eux ont été assassinés.

 

Leur mission ? Défendre les droits humains, l’environnement, les autochtones, les afro descendants, et les victimes du conflit armé.

Un tiers de la Colombie est recouvert par la forêt amazonienne. Depuis des années, les scientifiques alertent sur les dangers de la déforestation et de l’exploitation minière.

 

Dans le sud, où l’Amazonie est saccagée par des mines, des puits de pétrole (légaux) et la culture de la coca, ils se font tuer par des paramilitaires et des dissidents des FARC.

Mais le pire endroit est le département du Cauca (nord-ouest).

 

Des indigènes se font tuer car ils se battent contre les exploitations minières (notamment d’or), contre les cultures de coca (illégale) et de canne à sucre (légale), ce qui amène à se questionner sur les relations entre bandes armées et entreprises ayant le droit de cultiver la canne à sucre ou d’extraire de l’or.

 

Très emblématique, la vice-présidente de Colombie Francia Marquez, première afro descendante à occuper ce poste, a annoncé en janvier que sa garde rapprochée avait déjoué un attentat la visant.

 

Plus de 15 millions de Colombiens victimes d’insécurité alimentaire

15 millions sur environ 50 millions d’habitants, donc 30 % de la population.

Parmi les personnes actuellement affectées par le conflit armé, c’est la moitié de la population qui souffre d’insécurité alimentaire.

 

Hormis les difficultés pour se nourrir, des milliers de déplacés par les violences n’ont pas de logement digne.

Entre 2021 et 2022, le nombre de victimes de déplacements massifs a augmenté de 12 %, faisant grimper le chiffre de déplacés internes à près de 5,2 millions de personnes.

 

Les Colombiens souffrent aussi de l’inflation, et des conséquences de la guerre en Ukraine, notamment au sujet d’engrais au prix fort.

L’ONU demande une aide alimentaire pour la Colombie.

 

La pauvreté est telle que la gestation pour autrui (GPA) est hors de contrôle. En l’absence de cadre légal, les offres de femmes se multiplient, quitte à mettre parfois leur santé en danger.

 

Mais la lutte contre la pauvreté demande d’importants fonds.

Or, le président Petro choisit de saborder des sources de revenus majeures à l’export : gaz, pétrole et charbon, au nom de la transition vers des énergies propres.

 

La Colombie ne concédera plus de nouveaux contrats d’exploration de gaz et de pétrole. Il veut financer cette transition énergétique avec l’exportation d’énergie renouvelable et le tourisme.

Mais l’actualité brûlante des groupes armés risque de refroidir nombre de touristes.

 

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Raujol
Raujol
1 année plus tôt

On dirait un peu le dessous des cartes

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